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L’achat, crime contre l’humanité ?

Un texte qui date de 2005 mais qui garde tout son sens aujourd'hui. Hommage à l'auteur et à ceux qui le reconnaîtrons.

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Il faut se rendre à l’évidence : quand j’achète, je nuis.

Même si je vais au supermarché à pied, les produits que j’achète y sont arrivés en camion. On dit que les ménages n’y sont que pour un tiers dans le réchauffement climatique. Or les industriels travaillent pour moi et les routiers roulent pour moi. Les ménages sont donc responsables de la totalité de la pollution engendrée, de la nature bétonnée ou goudronnée, des arbres coupés...


Il faut se rendre à l’évidence : quand j’achète, je nuis et je fais nuire.

Quand j’achète, je crée des emplois, ce qui permet aux employés d’acheter aussi, donc de nuire à leur tour.


Il faut se rendre à l’évidence : les effets de ma nuisance se rapprochent dangereusement.

Dans ma jeunesse, en achetant je ne nuisais qu’aux peuples du sud, en les privant de leurs meilleures terres utilisées pour me fournir coton, chocolat, thé, café, minerais, bois d’œuvre... Plus tard mes achats se sont mis à nuire à mes enfants en les privant des ressources naturelles que ma consommation va épuiser. Maintenant je me nuis à moi-même (canicule, pollution, prix du pétrole...). Je vais peut-être me décider à faire quelque chose.


S’il n’est pas déjà trop tard.

Car on ne connaît pas le seuil de réversibilité du phénomène, qui pourrait bien s’être déjà emballé, vu son accélération incroyable ces dernières années. La planète Vénus, qui a eu une atmosphère semblable à la nôtre, est passée rapidement, pour une raison inconnue (trop de bagnoles?), à une atmosphère de CO2. L’effet de serre induit a fait monter la température à plus de 400 °C et la pression atmosphérique à une centaine de bars, avec disparition de l’oxygène piégé par le carbone. Allons-nous mourir grillés, étouffés ou écrasés? Sans doute un peu de chaque, peu à peu. Lente agonie. Comme ces gens du tiers-monde qui mettent des années à mourir de faim.


Suis-je un criminel quand je roule ?

Déjà la pollution tue 20 000 personnes en France chaque année, et entraîne 2 millions d’heures d’assistance respiratoire. Nous sommes 60 millions à nous dire que ce n’est pas le peu de pollution que je provoque qui aggravera la situation.


Et pourtant tout le monde fait comme si tout allait s’arranger.

« Ils trouveront bien une solution ». Le « ils » magique du citoyen-enfant d’une démocratie adulte. Or le temps qui se passe entre une découverte scientifique et sa mise sur le marché est sans doute supérieur au délai de réversibilité.


Quand j’achète « local », je nuis moins.

Mais l’agriculture locale consiste aussi à transformer des hydrocarbures (pétrole) en hydrates de carbone (bio-masse). Et pour que les résultats se ressentent, il faudrait que je renonce au chocolat, au thé, au café même « équitable », au coton, au pétrole... Faut pas rêver! D’ailleurs si on se mettait tous à n’acheter que des produits locaux, toutes choses égales par ailleurs, il n’y aurait pas assez de terres : les français vivent sur 2 France. Il faudrait 3 planètes pour que tout le monde puisse vivre comme nous.


Quand j’achète moins, je nuis moins.

Et je me donne bonne conscience. Mais je ne fais que retarder les échéances. Les partisans de la décroissance sont loin de décroître suffisamment: il faut arriver à 80 % sous nos latitudes et donc taper dans le nécessaire, pas seulement dans le superflu! Comment fait-on?


Quand je récupère, j’évite de nuire.

Mais je récupère ce que les autres ont acheté. S’ils s’arrêtent aussi, je suis cuit. Mais je suis cuit aussi (au propre et au figuré) s’ils ne s’arrêtent pas, en subissant leurs nuisances. On ne s’en sortira que tous ensemble.


Il faut se rendre à l’évidence: quand j’autoproduis, je cesse de nuire.

J’ai mon empreinte écologique sous les yeux, et si je nuis, je corrige. Et je mesure précisément le rapport entre l’effort que je fais et le bénéfice que j’en tire. Je m’autolimite spontanément.


On va me dire que l’autoproduction est une utopie. Continuer à acheter aussi. Un peu d’imagination, que diable! Si quelqu’un connait une autre solution, qu’il me la propose. J’adopte.


Jean Passet-Desmayeurs, 2005


 

Lien de la source : http://www.jansiac.lautre.net/IMG/pdf/2005_l_achat.pdf

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